Chinta Mandal, 48 ans, brodeuse de Kantha

Chinta Mandal

Equipe de Sadhna Mandal


Chinta est née orpheline au Bihar, l’état le plus pauvre de l’Inde. Une ONG locale la prend en charge lui évitant de rejoindre les cohortes d’enfants des rues et lui assure une éducation minimale. Chinta sait lire et écrire. Elle sait aussi cuisiner, coudre et broder, toutes qualités requises pour une épouse indienne mais, sans dot, Chinta ne peut prétendre à se marier. Adolescente puis jeune adulte, elle travaille comme servante sans abandonner son rêve de mariage. Elle consulte attentivement les annonces matrimoniales publiées par les journaux locaux et y répond lorsqu’elle pense avoir une chance.

C’est ainsi qu’à 35 ans, Chinta rencontre Sujit Mandal, un veuf qui cherche une épouse pour élever ses trois enfants et prendre soin de sa vieille mère. Il ramène Chinta au Bengale, dans son village d’Indrogata.
 
Aujourd’hui, Chinta a 48 ans, les enfants sont adultes et ont quitté la maison. Elle semble avoir avec sa belle-mère, très âgée, une relation sympathique même si c’est elle seule qui assure l’intendance et l’entretien de la maison, chose normale dans la culture indienne et particulièrement dans les villages.
Son mari, Sujit, est employé de banque à Suri, une ville proche où Il se rend chaque jour en vélo. C’est un homme doux et attentionné. Chinta se dit très heureuse de sa vie avec lui et de sa vie au village. Son grand sourire lumineux semble en témoigner. Elle ajoute que sa chance a été de rencontrer Sadhna auprès de qui elle s’est formée à l’art du Kantha et dont elle a intégré le groupe de brodeuses. Un travail qui lui procure, à parts égales, le plaisir d’un travail raffiné et de la reconnaissance de la valeur de son travail. Notre passage, notre longue conversation avec elle, les photos que nous prenons, contribuent évidemment à la mise en valeur de son savoir-faire auprès de sa famille et de sa communauté.
 
Chinta brode en moyenne un kantha chaque mois et son salaire apporte à la famille un niveau de vie plus confortable. Elle en donne pour exemples la possibilité de consulter un médecin en ville si nécessaire entre deux camps médicaux de SHE, et le fait d’avoir un téléphone portable. Mais le plus important, nous dit-elle, est le plaisir qu’elle prend à broder et de pouvoir le faire avec d’autres femmes du village.

Tina Khatun, 25 ans, brodeuse de Kantha

Tina Khatun

Equipe de Sadhna Mandall

 

Tina Khatun a 25 ans. Comme Rina Bibi que vous aviez rencontrée dans notre dernière Lettre du Kantha, elle travaille dans le groupe de Sadhna qui l’a formée à la broderie après qu’elle a été scolarisée jusqu’à la classe 12 laquelle correspond à notre classe de Terminale.

Tina appartient à une famille de la petite classe moyenne rurale. Son père est tailleur de village ; avec lui, Tina a appris le métier de tailleur mais elle préfère broder. Ses deux frères sont mécaniciens. Sa sœur aînée brode aussi des kanthas pour le groupe de Sadhna ; les deux sœurs brodent parfois ensemble comme leur mère avant elles. Mais Tina considère que sa sœur est mère au foyer. Parce qu’elle travaille de chez elle, Tina ne la considère pas comme une femme qui travaille !

Broder convient à Tina parce qu’elle se sent libre de choisir le moment et la durée de son travail. Et, sans qu’elle puisse l’expliquer, elle dit ne pas se sentir bien si elle ne brode pas. Broder est une habitude dont elle ne peut plus se passer, elle en ressent le besoin et cette activité la porte à rêver.

Tina possède un téléphone portable et un compte en banque à son nom mais elle perçoit toujours son salaire en espèces. Elle aimerait le recevoir directement sur son compte en banque. Le gouvernement indien l’encourage fortement et le développement de la gestion des paiements par téléphones mobiles le rend possible. Mais les petits marchands des villages du Bengale sont encore loin de maîtriser ce système.

Quand on l’interroge sur ses rêves, Tina confesse dans un grand rire malicieux moins rêver d’un mari que d’un scooter d’occasion qui représente un an de salaire.

Tina Khatun témoigne de la prise de conscience et de l’empowerment des jeunes femmes indiennes. A 25 ans, un âge tardif pour le mariage d’une fille dans les villages du Bengale, Tina s’accorde le droit de choisir le moment et peut-être le postulant. Et le droit de dire non à son père. Un père sans doute peu pressé de se priver de sa contribution aux revenus de la famille.

Rina Bibi, 54 ans, brodeuse de Kantha

Rina Bibi

Equipe de Sadhna Mandal


Nous avons rencontré Rina Bibi le 4 mars 2019 sur le camp médical organisé par SHE Foundation à Suri, chez Sadhna Mandal l'une des team leaders.

Une cinquantaine de brodeuses sont venues avec leurs familles. Parmi elles, la tête couverte d’un pan de son sari à la manière traditionnelle des villages, une maîtresse femme. De son regard et sa posture se dégage une autorité que confirment des propos fermes et calmes.

Rina Bibi a 54 ans. Elle brode des kanthas depuis trente ans dans l’atelier de Sadhna qui l’a formée. Leur gestuelle commune témoigne de leur lien chaleureux.

Rina aime travailler seule et se laisser aller à la rêverie ou broder avec une autre femme et profiter de moments de bavardage et de connivence.

Son mari, tailleur de village, leurs deux enfants mariés et leurs trois petits-enfants reconnaissent la qualité de son travail et sa contribution financière à la vie de la famille.

Contrairement aux jeunes brodeuses, Rina n’a pas de téléphone portable. Elle n’a pas non plus de compte en banque à son nom : elle dit ne pas en avoir besoin. Rina est à l’image de la première génération des femmes de SHE Foundation : un début d’affirmation de soi, mais pas encore l'autonomie.
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